Exercice : définir le « Statu Quo »…

Qui est venu en Terre Sainte a, un jour ou l’autre, rencontré ces deux mots associés : statu quo. Mais qu’est-ce que c’est ?

  1. Définition

Statu quo est une locution francisée qui vient de la locution latine in statu quo ante signifiant littéralement : « en l’état où (cela était) auparavant » (ou statu quo ante).

Cette locution est principalement utilisée pour désigner une situation figée, que l’on trouve dans des expressions typiques comme : « maintenir le statu quo », « revenir au statu quo ».

  1. Contextualisation

Cette expression prend tout son sens en Terre Sainte !!!

En effet, les principaux Lieux Saints chrétiens sont gérés par un ensemble de règles fixées à la date où le Sultan Ottoman Abdülmecid Ier (1823-1861) décida de se désintéresser de la querelle entre les différentes confessions chrétiennes sur la propriété des dits lieux en figeant la situation « telle qu’elle ».

En fait, le Sultan va signer un firman (décret royal émis par le Sultan, vient du persan signifiant ‘décret’) qui ne décrit absolument pas les règles à appliquer mais dit juste « on en reste là » !

(Exemple d’un firman)

Texte intégral du firman établissant le Statu Quo (traduit du turc) en l’an 1268, vers la mi-Rabi-ul-akhir (janvier 1852) :

« Attendu que les dispositions de mon présent Commandement impérial sont le résultat réel et définitif de l’examen approfondi qui vient d’être fait des vieux documents contradictoires qui se trouvent en la possession de mes sujets Grecs et des moines Francs, concernant les Lieux-Saints de Jérusalem qui ont été un objet de discussion jusqu’ici : et attendu que les susdites dispositions confirment les Firmans qui ont été donnés par nos Nobles Aïeux et surtout par mon Auguste Père et confirmés et renouvelés précédemment par moi-même, que l’on se donne bien garde de n’y jamais contrevenir. – A toi, mon Vizir, Hafiz Ahmed Pacha, Gouverneur de Jérusalem, et à vous membres des Medjliss.

Les disputes qui naissent de temps à autre entre la communauté grecque et la communauté latine, au sujet de quelques Lieux-Saints qui existent tant dans la ville que hors de la ville de Jérusalem, viennent cette fois encore d’être mises en avant. En conséquent, une commission a été formée, commission composée de quelques Mouchirs et quelques hommes de loi de distinction, et d’autres personnes, pour examiner cette question à fond, et voici ce qui résulte des recherches et des vérifications de cette Commission et de celles des Conseils de Cabinet tenus après la Commission. Les Lieux en contestation entre les deux religions sont : La grande Coupole de l’église du Saint-Sépulcre, la petite coupole qui est sur l’endroit appelé Tombeau de Jésus, sur qui soit la bénédiction de Dieu, et qui existe dans la susdite église ; le Hadjar el Moughtésil (pierre de l’onction), le Golgotha ; lequel se trouve également dans l’enceinte de l’église du Saint-Sépulcre ; les Voûtes de Sainte Marie, la grande Eglise qui est dans le village de Bethléem, ainsi que la Grotte qui est le véritables endroit où Jésus, que la bénédiction de Dieu soit sur lui, est né, et qui se trouve sous cette Eglise, et le Tombeau de la Bienheureuse Marie, que Dieu la bénisse !

Vu que la grande coupole sus-mentionnée concerne l’église entière, les Latins n’ont pas raison de prétendre à la possession exclusive, ni de cette coupole, ni de la petite coupole, ni du Hadkar el Moughtésil, ni du Golgotha, ni des voûtes de Sainte-Marie, ni de la grande Eglise de Bethléem, ni de la Sainte-Crèche ; il faut laisser tous ces endroits dans leur état actuel. Dans les temps passés, on a donné une clé des deux portes de la grande Eglise de Bethléem et de la Sainte-Crèche à chacune des Communautés Grecque, Latine et Arménienne, mesure confirmée aussi par le firman délivré à la communauté grecque de l’Hégire 1170, et cette disposition restera la même. Mais comme il ne suit pas de là qu’il est permis de porter atteinte à l’état actuel des choses dans cette Eglise, ou d’empêcher les Latins d’y officier, ou enfin de faire quelque chose de nouveau capable de gêner les autres, soit dans le passage de l’Eglise pour aller à la Sainte-Crèche, soit sous d’autres rapports, on ne souffrira ou n’acceptera en aucun temps la moindre prétention à ces égards, de la part de qui que ce soit.

On ne fera aucun changement à l’état actuel des portes de l’Eglise de Bethléem.

Considérant que, d’après les anciens et les nouveaux documents, les deux jardins appartenant au couvent franciscain à Bethléem, sur lesquels les Latins aussi ont élevé des prétentions, sont sous la surveillance des deux parties, ils resteront tels quels.

Les Latins se basant sur quelques firmans dont ils sont en possession ont élevé la prétention que le Tombeau de la Bienheureuse Marie leur appartient exclusivement ; mais ils n’ont pas raison en cela non plus. Seulement, comme actuellement les grecs, les Arméniens, les Syriens et les Coptes exercent leur culte dans ce saint Tombeau, c’est-à-dire comme l’exercice du culte n’est pas restreint à une seule religion, il a été déclaré être juste de maintenir et de confirmer aux Chrétiens Catholiques la permission qu’ils ont ab antiquo d’exercer, eux aussi, leur culte dans un endroit où plusieurs nations exercent le leur, mais à condition qu’ils ne feront aucun changement, ni dans l’administration, ni dans l’état actuel de ce monument.

Comme cette décision confirme et consolide les droits qui ont été octroyés aux sujets Grecs de mon empire par mes Augustes Ancêtres, et confirmés par des firmans, ornés par des hatti shérifs émanés de mon Trône Impérial, aussi comme j’ai beaucoup à cœur de maintenir leurs susdits droits, elle a obtenu mon adhésion souveraine. Aucune des parties ne se permettra de contrevenir à cette décision. Les Latins, actuellement encore, officient une fois par an, le jour de l’Ascension dans un Oratoire appelé Qoubbet el Mess’ad, qui existe au Mont des Oliviers, à Jérusalem, et les Grecs font leurs prières hors de cet Oratoire. Or, cet Oratoire est un temple mahométan, et il n’appartient par conséquent exclusivement à aucune communauté chrétienne, et je ne trouve pas à propos que les sujets de mon Empire qui professent la religion grecque soient privés de la faculté de pratiquer leur religion dans l’intérieur de l’Oratoire sus-mentionné. Ainsi, on n’empêchera pas aux Grecs d’exercer leur culte dans l’intérieur du Qoubbet el Mess’ad (la coupole de l’Ascension), à condition qu’ils ne feront aucun changement à l’état actuel de cet Oratoire, et qu’il y aura un portier mahométan à la porte comme par le passé. Cette mesure sera enregistrée en haut de la copie du firman impérial en date du mois Cheval 1254 (décembre 1838). Telle est ma volonté catégorique et souveraine, et, conformément aux ordres que j’ai donnés en conséquence, le présent firman qui est orné d’un hatti shérif et émané de mon Divan Impérial, a été remis entre les mains de la Communauté grecque.

Lorsque mes ordres souverains vous seront connus, vous mettrez tous vos soins afin que désormais il ne soit en aucune manière contrevenu à la décision et à mes ordres sus-mentionnés, ni de la part de ceux qui professent à la religion Grecque, Arménienne, Syriaque et Copte, ni de la part des Latins.

Vous aurez soin de faire enregistrer le présent Commandement Impérial aux archives du Mehkémé et de le faire constamment et toujours servir de règle permanente. Ayez-le pour entendu et ajoutez foi au noble chiffre dont il est orné. »

  1. Donc quelles sont ces règles ?

En fait, comme elles ne sont pas officiellement décrites, chaque confession impliquée dans ce Statu quo a écrit les droits auxquels elle prétend et qu’elle entend bien défendre.

Le cas le plus complexe étant le St Sépulcre sur lequel 6 confessions chrétiennes ont des droits : les Latins, les Grecs Orthodoxes, les Arméniens, les Coptes et les Syriaques.

De fait, si quelqu’un voulait avoir une vision exacte du Statu quo, il faudrait rassembler les quelques 6 documents pour voir comment ils s’imbriquent les uns dans les autres.

20151024 - P1060231

Une des conséquences de cet « arrêt sur image », c’est que le temps est figé à l’intérieur du St Sépulcre. Je m’explique : la règle du changement d’heure d’été / heure d’hiver ne peut en aucun cas être appliquée dans l’enceinte du St Sépulcre puisque cela briserait le rythme toujours identique des 24 heures de la vie des communautés en son sein et remettre en cause ce programme même pour une journée revient remettre en cause la totalité du Statu quo. Il y a donc une heure « du St Sépulcre ».

Attention donc quand on vous donne un horaire in situ, n’oubliez pas de bien vous faire préciser le référentiel de cet horaire !!!

Exercice : définir le « Statu Quo »…

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